42 - Panama - Ile de Pâques - Puerto Montt

Bye Bye Panama

Petit arrêt de 2 nuits aux iles Perlas, le temps était gris, mais nous nous sommes baignés et nous avons marché le long des plages, une bonne journée de vacances. Les bernard l’hermite pullulent, ainsi que des plastiques. Effarant !

Un grillon est venu subrepticement logé quelque part sur notre pont arrière ; tous les jours, matin et soir pendant une semaine nous l’entendions chanter (ou peut-être appeler à l’aide ?) mais impossible de détecter la provenance du son.  Un jour, le chant s’est arrêté. Nous ne l’avons toujours pas trouvé.

Ca frétille comme un banc de sardines

Nous passons à 70 miles dans l’Est de San Cristobal et Espanola, les 2 iles sud de l’archipel des Galápagos. Nous ne nous y arrêterons pas ; Bonne chose pour le porte monnaie, car le droit au mouillage est pratiquement le prix du passage du canal de Panama auquel il faut rajouter une taxe par équipier, plus la navette touristique, plus le guide naturaliste…. !!!

La carène doit être nickel et notre garde manger vide de légumes et fruits frais de peur que des germes se transplantent sur les iles….Des contraintes pas sympa pour la navigation au long cours, même si l’on comprend le principe. Nous ne pourrons admirer le fou aux pattes bleus, les tortues géantes… c’est un choix qui nous gène peu quand on aperçoit, en zoomant l’écran de navigation sur l’archipel, un nombre impressionnant d’AIS autour des iles, une centaine de bateaux de passagers et 2 bateaux de plaisance !!!! Cela refroidi l’envie de s’arrêter. Est-ce vraiment une zone naturelle protégée ou une manne financière ? Les 2 mon commandant 

Mais nous avons autour des nous des Fous à bec bleu, (bien différents de nos « fou de Bassan »), à pattes jaunes ou à pattes rouges, ainsi qu’un fou un peu plus grand me semble-t-il, tout blanc avec le bout des ailes noires, un œil fardé, un bec rouge, (Fou de Nazcca ?) très bel oiseau en tenue de soirée de chez Chanel !

Les Fous, (boody) nous ont souvent accompagnés. Et pour cause,Dame Jane  est

-  Source de pitance quand  les poissons volants s’enfuient devant son étrave,

-  Source aussi de jeux fous en plongeant sous la traine de pêche, mais là : danger ! L’appât en forme de calamar est bien tentant ! Les idiots ! Nous remontons les lignes par prudence,

-- Source de transport pour les plus paresseux ! Un soir, nous avons hébergé une petite famille de fous au bec bleu clair et aux pattes rouges, chaque adulte sur une barre de flèche et l’ado sur le balcon avant, accroché comme un fou sur l’inox glissant, bousculé par les mouvements du bateau dans la mer. Ils ont tenus jusqu’à minuit, l’heure où Jymmy s’est aperçu que ces passagers sans retenus aspergeaient la GV et notre pont de leurs déjections ! Alors là, ils ont du déguerpir vite fait sous la fureur d’une bastaque volant sous la main du skipper. Déraper sur une fiente et risquer de glisser au bouillon ?  

Pendant la première semaine, de jolies mouettes nous ont accompagnés surveillant les lignes de pêche et plusieurs soirs de suite, nous avons bagarré pour les empêcher de réquisitionner notre deck couvert de panneaux solaires, elles ont été jusqu’à 8 passagères clandestines discrètes tranquillement installées au dessus de nos têtes et devinez leur cadeau !

Frégates, paille en queue, storm-pétrels viennent nous rendent visite, puis plus tard après Rapa Nui, des pétrels plus grands, à l’œil fardé, planant, jouant au raz de la grande houle du Pacifique, le ballet est continuel, à des vitesses parfois stupéfiantes, virant sur l’aile au raz de l’eau, dessinant un demi-cercle parfait en remontant.

Tous les matins, Jean-Paul met ses lignes à l’eau et les remonte le soir, c’est un rituel de la journée. Sans compter les prises qui n’arrivent pas à bord, nous avons en stock dans le congélo, en complément des dorades d’Atlantique (enfin ce qu’il en reste, parce que nous les cuisinons avec brio) :

2 « barracudas » à pois jaunes, découpés en darnes,

1 bonite de 7 kg, découpés en dos bien épais,

Le matin, récolte des poissons volants sur le pont, (plus gros qu’en Atlantique), sont mis en filets, bouillis, et finissent en rillette sur les toasts pour l’ apéro. La récolte  a pris fin après l’ile de Pâques.

4  thons au milieu de notre navigation vers le Chili. L’eau était encore à 24°. A 800 miles des côtes, la température de l’eau est descendu en flèche (ainsi que l’air, brrr…) à 17° ! (12° près de Chiloé). Cette fois ci, j’ai fait quelques tournées de conserves, nature et rillettes (succulentes).

A propos de popote, nous avons cuisiné tous les 3 jours notre pain, à chacun sa manière

Le 5 janvier 2020, par 86°44W, Jymmy ayant revêtu la couronne de l’officiant, baptisa Jean-Paul et Patrick d’un verre d’eau de mer coupé d’un bouchon de rhum, leur signifiant par ce geste, leur entrée dans la confrérie des marins au long cours !

Dorénavant la lune dit la vérité et l’eau s’écoulant dans les siphons devrait tourner dans le sens des aiguilles  d’une montre, mais pas facile à vérifier, l'influence de la force de Coriolis doit être bien faible pour un petit écoulement d'eau.

ILE DE PAQUES

Après 19 jours de mer avec un vent en général de travers, 10/15 nœuds, un passage au moteur dans la zone de convergence (équateur) et une mer idéale, l’île de Pâques est devant nous,  un petit matin.

L’armada chilienne nous contact avant même d’arriver dans la baie de Cook, rendez-vous est pris, les instructions de mouillage données.

Il y a peu de vent, l’anticyclone est tout proche, la houle faible, nous mouillons par 30 m de fond. Nous sommes le 3^ème voilier.

Nous débarquons entre les rouleaux et les surfeurs sur une petite caleta devant la ville de Hanga Roa.

Suite à des lectures (Petit récit de Pierre Loti débarquant sur l’ile en 1872 et le récit « Aku Aku » des découvertes de l’ethnologue norvégien Thor Heyerdahl) je pensais faussement trouver quelques similitudes entre les descriptions lues et mon regard, mais pas du tout. L’ile n’est pas jaune, mais bien verte, des arbres et quelques forêts d’eucalyptus ont pris racines, elle n’a pas l’air pauvre mais bien portante, la population d’origine est noyée dans une masse grouillante de vie moderne! La petite ville Hanga Roa est très étendue, maisons cachées dans les buissons de fleurs ; 4/4, pick up, motos pétaradent aux heures de vie, des petits commerces bordent la route principales, il y a des ananas à vendre tous les 100 mètres…. L’ambiance est très polynésienne et d’ailleurs nous sommes à RAPA NUI et les habitants sont des rapanuis !

site d' Anakena

Nous faisons un tour de l’ile (2x Belle île) en voiture, tous les 4 en privilégiant les sites les plus connus, en bons touristes que nous sommes.

La carrière de basalte sur les flancs du Rano Raraku avec ces centaines des statues taillées ou en cours de taille et tous ces « ahu », terrasses ou plates-formes d’une grande solidité qui reçoivent les moai tout autour de l’ile, comme une ceinture protectrice, m’ont beaucoup impressionnés.  Un petit guide « A la découvert de l’ile de Pâques » écrit par James Grant-Peterkin nous raconte l’histoire qui  petit à petit a été élaborée à partir de recherches, de recoupements, de légendes et autres croyances…. Mais c’est surtout en rencontrant un breton bien de chez nous, Patrice Le Bert, vivant depuis une trentaine d’année à Rapa Nui, passionné par l’ile, ses habitants, son histoire, (guide est son métier !) qui nous a fait ressentir la force, la puissance de l’esprit protecteur qui dégage de toute ses représentations titanesques et la magie des pierres mystérieuses agissant sur notre esprit de découverte.

site de Tongariki et la carrière de moaï de Rano Raraku

La sculpture en elle même n’est pas impressionnante, elle est haute de 2 à 9m en général, mais son poids est stupéfiant, elle pèse plusieurs tonnes, ainsi que sa curieuse coiffe ocre rouge (le Pukao) ; Comment ces statues ont-elles été déplacées ? Comment la coiffe a pris sa place ?

Tous les moaÏ sont taillés sur le même modèle : Grande tête, petit corps, un bon petit bidon, les mains aux doigts fins et longs entourant le bas du ventre, une bouche fine, un grand nez, de longues oreilles. Mais ils ne se ressemblent pas, des grands, des petits, des coiffes hautes, des coiffes moins épaisses, la coiffe au milieu, la coiffe décalée vers l’avant, des bouches larges comme des sourires, d’autres un peu retroussées, d’autres tombantes, des narines plus ou moins évasées, des orbites plus ou moins larges et profondes. Quand le moai était prêt à être exposé sur le « ahu », on lui taillait ses orbites et il reçevait ses yeux. Tous les moaï regardent vers l’intérieur de l’île. Il est dit qu’ils représentaient physiquement les ancêtres à qui le culte était rendu. Ils concentraient une force, un pouvoir (mana) qui était sensé protéger le village, l’activité familiale de la tribu. L’époque de ses constructions date 15^ème 16^ème siècle.

Ensuite,  tous ces moaÏ ont été renversés tête contre terre lors d’une époque de conflit entre les tribus. Depuis peu, quelques superbes « ahu » sont restaurés, des moaï remontés sur leur socle et quelques « pukao »  retrouvent leur tête. 

Ahu non restauré, mais assemblage des pierres parfait

Il y a plein d’autres choses à dire, mais si le vent vous pousse vers cette ile perdue au milieu du Pacifique, il faut vous laisser la découvrir.

Nous sommes repartis le 20 janvier après avoir visité la famille de Patrice. Clara nous a donné de gros bouquets de persil et de basilic ainsi que des piments de son jardin. Merci Clara, nos salades journalières étaient bien parfumées !

Bye Bye Rapa Nui

Quand la couche nuageuse se dégage, les nuits sont splendides. Fin du premier quart, juste un  début de lune éclaire la nuit, la voie lactée est encore présente, toute légère avec ses principales étoiles dessinant une arche au dessus de notre mât. Côté nord, à bâbord, la constellation d’Orion, Sirius au zénit, l’œil du chien; sur tribord, côté sud, la fausse croix, la croix du Sud et les 2 étoiles des pattes du Centaure.

2120 miles de navigation depuis Rapa Nui pour atteindre Puerto Montt au nord des canaux de la Patagonie chilienne. L’énorme anticyclone que nous contournons en lisière rend la traversée un peu morose. Mais le moteur ronronne quand le vent faiblit trop, nous essayons de garder le rythme des 150 miles par jour en moyenne. Les 40^ème sont atteints et le vent rentre, petit à petit, jusqu’à nous faire réduire sérieusement la toile. Dame Jane s’offre le luxe de quelques pointes de vitesse ! Le short est au placard, pantalons et polaires font leur apparition. Et une belle surprise nous attend, nous l’espérions et il est venu, ce bel oiseau des mers du sud, ce virtuose du vent : l’albatros ! Ces grandes ailes ne bougent pas, il plane entre mer et ciel, majestueux, impérial.

Le 14ème jour, l’île de Chiloé est en vue au petit matin, passons le canal Chacao pile-poil à la renverse. On se croirait dans le golfe du Morbihan, des iles, des grèves, mais en arrière plan, de hautes montagnes et des neiges éternelles.

 A 20 h nous sommes dans une petite marina près de Puerto Montt, à l’abri derrière l’ile de Tenglo. Nous y voilà après 3 mois de grandes traversées.

Merci les gars pour votre bonne compagnie,

votre bonne humeur, votre prévenance durant cette longue route !